Parmi les milliers d’œuvres des 200 Galeries internationales représentées à la première exposition suisse d’Art Contemporain au Palexpo de Genève c’est mon œuvre personnelle qui a été sélectionnée par le journaliste
EUROP’ART À GENÈVE
La foire aux images
A Palexpo, les visiteurs du Salon du livre pourront aussi passer par 200 galeries proposant de l’art figuratif actuel. Emotion garantie.
Guy Lafargue, « Une partie de plaisir »., sculpture polychrome
Il y a plus de vingt ans, Düsseldorf a ouvert sa Foire d’art contemporain. Les autres villes européennes ont pris ensuite le train en marche (Cologne, Bâle, Paris, Londres, Madrid…). Manquait la Suisse romande, c’est désormais chose faite grâce à Genève. Pour cinq armées consécutives, Pierre-Marcel Favre a réservé aux arts plastiques la halle d’exposition qui jouxte son Salon du livre et de la presse.
Avec une manifestation drainant plus de 120 000 personnes, l’éditeur lausannois fait le plein de visiteurs romands. Comment alors séduire les absents, les Alémaniques ? Stratégie de l’œil oblige : en proposant des images. C’est ainsi qu ‘Europ ‘art a vu le jour. Lieux galeristes, Patrick-F. Barrer et Olivier Pilet, sont les chevilles ouvrières de cette nouvelle foire. Les organisateurs espèrent que l’alchimie des grands rassemblements culturels (de l’art de se baguenauder en curieux) fera passer la moitié du public du livre à l’art figuratif. Cela donnerait du premier coup à ce nouveau-né autant d’entrées (60 000) que Bâle et donc l’assise d’un événement confirmé.
Mais la partie n’est pas gagnée car les gens sont méchants… Le commerce des œuvres d’art n’adoucit pas les mœurs. Les galeries importantes n’ont évidemment pas répondu à l’appel de Barrer et Pilet. Elles boycottent et le font savoir. « Cela a été le cas pour la FLAC (Foire internationale d’art contemporain) à Paris à sa création en 1974 », précise Pa-trick-F. Barrer. Pierre-Marcel Favre parle même de tentative de sabotage d’une « mafia qui fait le marché ».
Pour leur sélection, les organisateurs se sont fait aider par d’éminents spécialistes. Dont Michel Thévoz, conservateur de la Collection de l’art brut à Lausanne. Il apporte sa caution à Europ’art en choisissant les galeries spécialisées dans le brut, l’« outside ». Vaille que vaille, 200 galeries, représentant 23 pays, seront présentes dans la halle de Palexpo. Le salon a invité également des fondations privées (Edelman, Gianadda, Hermitage, Petit-Palais). Ce sont les seules à ne pas payer leur place mais elles ne vendront rien. Elles sont amicalement en vitrine pour présenter du figuratif mais aussi de très grandes pointures. Léonard Gianadda déménagera de Martigny avec ses sculptures de Rodin, Giacometti, Moore et ses tableaux de Modigliani, Delvaux, Schiele… De Pully, Asher Edelman viendra avec quatre artistes dont le très médiatique Jeff Koons.
Mais en prenant le figuratif pour thème, Patrick-F. Barrer et Olivier Pilet ne dissimulent pas leur parti pris commercial. D’ans un récent sondage, la revue « Beaux-Arts» a établi que la grande majorité des Français place l’art figuratif, au-dessus de tout. Mieux, le sondage révèle l’importance de l’émotion face à une œuvre qui, avant d’être originale, doit embellir son chez-soi.
A Europ’art, le public sera servi. Le catalogue fait en effet apparaître chez les galeristes une forte proportion d’artistes qui n’ont ni la prétention de se situer dans l’avant-garde. Ils privilégient plutôt le beau métier qui époustoufle l’amateur d’efforts quantifiables. On trouvera le nec plus ultra du chromo, de la grappe de raisin prête à être croquée au nu érotique, mais aussi des dérives vers l’abstrait et le décoratif. De quoi faire hurler le sérail des initiés de l’art contemporain !
« Il faut comparer ce qui est comparable. En aucun cas Europ’art est une concurrente de Paris, de Bâle. Mais il est possible que ce nouveau salon soit une réaction contre les foires contrôlées par les grandes galeries en place. Un réseau officiel de plus en plus élitiste », analyse Dominique Sagot-Duvauroux, économiste de la culture à la Sorbonne. Le chercheur n’en dira pas plus, condamné à attendre les chiffres, les résultats des ventes pour jauger l’initiative. Europ’art serait-il une réponse à l’essoufflement du marché ? « A l’évidence, le marché a perdu ses certitudes. Europ’art, c’est peut-être l’ouverture des foires de l’art à une classe plus humble d’acheteurs. »
Les organisateurs d’Europ’art ont donc l’ambition d’inventer une foire qui serait un grand musée populaire où figuratif rime avec lucratif… mais pas trop cher. « Le prix des toiles n’a pas fait partie de nos critères de sélection. Mais nous estimons que les œuvres oscilleront entre 1000 et 40 000 francs suisses. »
Depuis l’ouverture des grottes par les premiers artistes de Lascaux, le figuratif a fait ses preuves. Bonne chasse aux badauds de Palexpo ! En flânant de la rue Chagall à la rue Bacon, même s’ils ne trouvent pas pointure à leur bourse, ils auront toujours eu des émotions fortes.
Alain Walther
Europ’ art. Genève-Palexpo. 29 avril – 3 mai. Entrée : 8 francs (indépendamment du billet pour le Salon du livre).